jeudi 20 décembre 2012

Les formes de la moucharaka dans les banques islamiques



Dans la pratique bancaire islamique, le contrat de moucharaka peut prendre deux formes. Il peut s’agir soit d’une moucharaka permanente (A) (da’ima ou tabita) soit d’une moucharaka dégressive (moutanaqissa) (B).

A-           La moucharaka permanente :

     La moucharaka permanente est une des formes de la moucharaka où la banque participe partiellement au financement d’un projet donné. En conséquence, la banque devient partenaire, à part entière, dans le projet, c’est-à-dire a le droit comme tout autre associé dans la gestion, dans la supervision et dans les bénéfices[1] et pertes selon les lois régissant la moucharaka.

     La moucharaka permanente peut prendre deux formes[2]. Elle peut prendre soit la forme de participation au capital d’une société, soit la forme de participation à une opération en particulier.

a-      La participation à une société:

     Cette forme de moucharaka que l’on appelle également « financement direct » se réalise à travers la création de sociétés, la participation à leur création ou à travers la participation à des sociétés déjà existantes.

b-      La participation à une opération en particulier :

     La banque islamique peut choisir de participer à une opération en particulier. Dans ce cas, la banque finance une seule opération parmi les opérations effectuées par une société.

B-     La moucharaka dégressive :

     Ce type de moucharaka est une forme spéciale de la moucharaka qui va aboutir à la possession du projet par le client. Il opère de la façon suivante : 

     La banque participe en tant que partenaire financier dans le financement d’un projet donné. Un contrat est signé entre la banque et le client où la banque recevra un pourcentage des profits en tant qu’associé. Cependant, le contrat spécifie qu’une partie des revenus nets du projet sera allouée au payement du capital principal avancé par la banque[3]. Le client recevra le reste. Avec cette méthode, les droits de propriétés de la banque vont progressivement diminuer et le client deviendra à la fin du contrat le propriétaire final du projet.

     Le contrat peut également spécifier que la banque s’engage à vendre ses parts dans la moucharaka à son ou ses associés et en contrepartie, ces associés s’engagent à acheter ces parts. La banque peut vendre ses parts, soit en bloc c’est-à-dire en une seule fois, soit  progressivement à plusieurs reprises[4].

     Les deux parties (la banque et le client) peuvent également vendre leur part, à la fin du contrat, soit à l’autre partie soit à une tierce personne.

     Ce type de contrat a été appliqué par la banque islamique de Jordanie (Jordan Islamic Bank) dans le financement des projets liés à l’immobilier et le financement de l’habitat. Ces projets sont financés par la banque totalement ou partiellement, sur la base suivante : La banque recevra une partie des profits en tant que partenaire et recevra un autre payement qui permettra de liquider son capital principal. Lorsque le capital principal de la banque est totalement remboursé, le droit de propriété est complètement transféré au client. La banque islamique de jordanie, a financé un centre commercial en Irbid, un hôpital à Zerga en utilisant ce mode de financement[5].



[1] AL HAYTI (Abderrazak Rahim Juday), « Les banques islamiques entre la théorie et la pratique », Dar Oussama, Jordanie, 1998, p 497.
[2] CHERQAOUI MALQI (Aicha), « Les banques islamiques : L’expérience entre le fiqh, le droit et la pratique », Al markaz attaqafi al arabi, Casablanca-Beyrout,  2000, p 372.
[3] NAZIH KAMAL (Hammad), « La moucharaka dégressive et ses règles à la lumière des contrats modernes », in revue Al majmaa al fiqhi al islami, n° 25, Mecque, 2002, p 208.
[4]  AL HAYTI(Abderrazak Rahim Juday), op.cit., p 501.
[5] BENDJILALI (Boualem), « La moucharaka ou mode de financement de la participation », in Introduction aux techniques islamiques de financement, Actes de séminaire n° 37, IIRF, BID,  p 46.


N.B.: Ceci est un extrait de la thèse "Les substituts du prêt à intérêt dans les banques islamiques", soutenue à Perpignan en 2007.

jeudi 25 octobre 2012

Le contrat de moudaraba



 Définition


         « La modaraba ou kérad est un contrat entre deux parties ou l’une d’entre  elles avance à l’autre une somme d’argent à des fins commerciales afin de  partager les bénéfices que l’emprunteur aura réalisé »[1]. Elle correspond à la commandite simple du droit français[2].

     Trois termes arabes sont utilisées pour désigner ce contrat : moudaraba, moukarada et kirad [3]. La divergence de terminologie est due à des facteurs géographiques[4]; kérad et moukarada[5] ont pour origine la péninsule arabique et moudaraba, l’irak. Par la suite, cette différence se retrouve dans les diverses écoles juridiques, les malékites et les chafiites ayant adopté kérad et, dans une moindre mesure moukarada, et les hanafites, moudaraba [6].

     Dans la langue arabe, le terme moudaraba est un substantif dont le verbe est « daraba », tel qu’on dit « al darb » dans la terre, c’est -à-dire parcourir la terre pour voyager, comme l’entend le verset  101 de la sourate « Les Femmes »: (Quand vous parcourez la terre, on ne vous fera pas grief d’abréger la prière)[7]. Le verbe peut également signifier parcourir la terre pour y voyager en vue du commerce et la recherche des moyens de subsistance, comme dans le verset 20 de la sourate « L’enveloppé » : (que d’autres parcourent la terre à la recherche des bienfaits de Dieu)[8].

     Le terme kirad est dérivé de « al qard » c'est-à-dire le retrait, car la partie apportant le capital retire une partie de ses fonds pour la remettre à celui qui gère la moudaraba.  

    Les avis des fouqahas diffèrent quant à la nature du contrat moudaraba. Un premier avis et qui représente la majorité des fouqahas considère la moudaraba comme étant une forme d’ijara (location de services) mais où la rémunération de tout un chacun n’est pas connue à l’avance. L’autre opinion des fouqahas considère la moudaraba comme étant une forme de charika (société) où le capital avancé par le financier s’associe au capital humain.

Licéité de la moudaraba

     La licéité du contrat de moudaraba est fondée sur la pratique du prophète (sounna). En effet, le prophète l’a pratiqué avec les fonds de sa première épouse Khadija[9].

     Le contrat de moudaraba est également légitimé[10] par le consensus de la communauté (ijma’). Elle fut  pratiquée par les Compagnons du prophète, ainsi que par les deux fils du deuxième khalifa Omar Ibn Al Khattab. Personne n’a rapporté qu’ils ont été désapprouvés, ce qui est considéré comme un consensus.

Les différents types de la moudaraba

     Il y a deux types de moudaraba : la moudaraba restrictive ou limitée et la moudaraba absolue.

·   La moudaraba restrictive ou limitée :

     Selon ce type de contrat, le partenaire apportant le capital pose à celui qui le gère des restrictions. Ces restrictions peuvent porter sur le lieu[11] de la transaction en l’astreignant à exercer ses transactions dans un lieu déterminé. Elles peuvent porter sur une période déterminée en lui demandant de n’utiliser les fonds que durant l’été, l’hiver ou le printemps. Elles peuvent porter également sur le genre de commerce en lui imposant par exemple de n’utiliser les fonds que pour le commerce du bétail.

     Ce type de contrat est permis par les deux écoles hanafite et hanbalite, alors qu’elle est interdite par les écoles malikite et chafiite car elles considèrent que les conditions restrictives empêchent le moudarib d’agir[12].

·   La moudaraba absolue

     La moudaraba absolue est celle qui n’est point soumise à des restrictions de temps, de lieu ou de genre quelconque. Le moudarib est libre d’utiliser les fonds à sa disposition là ou il considère opportun d’investir.






[1] HEINRICH (Jacques B.) , « Les principaux contrats de financement utilisés par les banques islamiques », in La revue banque,  décembre 1987, N 478 , p1135.
[2] MACHICHI DRISSI ALAMI (Mohamed), « Contribution à la définition des sociétés en droit musulman malikite », in Revue des sociétés, n° 2,  avril- juin 1977, p 219.
[3] EL KHYARI El Hachmi (Allal), « Méthode d’investissement à la lumière du fiqh », Tome 2, Al Madariss,  Casablanca,  Maroc, 1992, p 231.
[4] DECROUX (Paul), « Les sociétés en droit marocain », Editions La Porte, Rabat, 1970, p 114.
[5] AL JOUMOUA (Ali  Ibn Mohamad), « Lexique des termes économiques et islamiques », Maktabat al obikan, Ryad, 2000, p 425.
[6] UPOVITCH(A.L.), « kirad », Encyclopédie de l’islam, TomeV,  2ème édition, Maisonneuve & Larose,Pays-Bas,1986,p 132
[7] GROSJEAN (Jean), « Le Coran », traduit de l’arabe, Editions Philippe Lebaud, Paris, 1979, p 72.
[8] GROSJEAN (Jean), « Le Coran », op.cit.,p 277.
[9] AL-AMIN (Hassan), « La moudharaba et ses applications contemporaines », BID, IIRF, Djeddah, Arabie saoudite, 1994, p 29.
[10] ASSOUBHANI (Jafar), « Le système de la moudaraba dans la chari’a islamique », Moassasat al imam assadiq, Iran, 1416 H, p 4.
[11]  EL KHYARI El Hachmi (Allal), op.cit., p 233.
[12] BENDJILALI (Boualem), « Les modes de financement : moudharaba, mouzaraa et mousakat », in                    « Les sciences de la chari’a pour les économistes », Actes de séminaire n°44, BID, IIRF, Djeddah, Arabie Saoudite, 1998, p 283.

N.B: Le présent article est un extrait de la thèse :"Les substituts du prêt à intérêt dans les banques islamiques".

lundi 13 août 2012

Colloque international: « Les services financiers islamiques: aspects juridiques, économiques et religieux »

LA FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES, ECONOMIQUES ET SOCIALES, RABAT-SOUISSI
ET
Le Centre d’études juridiques, économiques et sociales de la Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales Rabat-Souissi (Maroc)
organisent un colloque international sur :

« Les services financiers islamiques: aspects juridiques, économiques et religieux », les 3 et 4 décembre 2012.

Présentation :

Les services financiers islamiques ont connu un développement considérable durant les deux dernières décennies du XXème siècle. En effet, l’activité bancaire a pris une place non négligeable depuis ses débuts jusqu’à aujourd’hui puisque le nombre des banques islamiques n’a cessé d’augmenter et plusieurs banques conventionnelles ont adopté un ensemble de services financiers islamiques que ce soit dans les pays musulmans ou dans les pays non musulmans. Le domaine de la finance islamique ne se limite pas au secteur bancaire mais englobe également les activités d’assurance islamique (takafoul) ainsi que les marchés financiers islamiques.

L’intérêt international croissant pour les activités financières islamiques s’est développé dans la pratique dans plusieurs pays et ce à travers l’élaboration de législations spécifiques, la création d’institutions financières islamiques, l’introduction de services financiers islamiques sans oublier les initiatives prises par les centres d’études et de recherches de plusieurs universités dans le monde qui ont créé des sections spécialisées en économie et finance islamiques.

Au Maroc, malgré l’autorisation donnée par la banque centrale marocaine (Bank Al Maghrib) pour la commercialisation des produits dits alternatifs (moucharaka, ijara et mourabaha) depuis 2007, l’expérience n’a pas eu un grand succès. Le développement de ces produits s’avère donc nécessaire afin de leur permettre de jouer leur rôle dans le développement économique et social du pays.

Objectifs :

L’objectif de ce colloque est de présenter les différents services financiers islamiques et d’analyser les aspects juridiques, économiques et religieux y afférents afin d’encourager les chercheurs et les professionnels à leur accorder plus d’importance.

Axes du colloque :

Axe I- Aspects juridiques
• La réglementation des services financiers islamiques à l’étranger
• Les différents contrats utilisés dans la finance islamique
• Jurisprudence et contentieux des services financiers islamiques à l’étranger.

Axe II- Aspects économiques et financiers
• Distinction entre les services financiers classiques et les services financiers islamiques
• Les banques islamiques
• Les marchés financiers islamiques
• Le rôle de la banque islamique de développement dans le financement des projets des Etats membres.
• Aspects comptables et fiscaux des services financiers islamiques.

Axes III- Aspects religieux
• Les fondements religieux des services financiers islamiques
• Le rôle de la chari’a et du fiqh
• Le rôle des sharia’ board dans les banques islamiques

Axe IV- Les services financiers islamiques au Maroc
• Les produits alternatifs au Maroc
• Le projet d’introduction des institutions financières islamiques au Maroc
• Le besoin en formation des spécialistes en finance islamique au Maroc

Indications aux auteurs:

- Les personnes souhaitant faire une communication lors du colloque doivent envoyer une proposition de thème accompagnée d’un résumé ne dépassant pas 350 mots. Le texte doit être rédigé selon le format Times New Roman, police 12 et les titres au même format, police 14. L’envoi doit être fait à l’adresse email suivante : o.elasri@um5s.net.ma avant le 31 Août 2012. Les auteurs des propositions de communications acceptées seront informés avant le 15 Septembre 2012.
- Les auteurs doivent respecter les méthodes de la recherche scientifique puisque tous les articles seront examinés par un comité scientifique.
- Les articles et les résumés peuvent être présentés en langues arabe, française ou anglaise.
- Les articles ne doivent pas être publiés auparavant dans une revue scientifique ou présentés antérieurement dans un autre colloque.
- Les articles doivent être rédigés au format Times New Roman, police 12 et les titres au même format, police 14. Ils doivent être envoyés avant le 30 octobre 2012. L’annonce de l’acceptation finale des articles se fera le 15 Novembre 2012.
- Les actes du colloque feront l’objet d’une publication dans une revue à comité de lecture.

Comité d’organisation:

- Professeur Khalid BERJAOUI, Doyen de la Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales Souissi.
- Professeur Omar EL ASRI, faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat-Souissi.
-Professeur Mohamed NADIF, faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat-Souissi.
- Professeur Layla EL HATIMI, faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat-Souissi.
- Professeur Fadoua EL MESLOUHI, faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat-Souissi.

- Professeur Chrif ELHILALI , faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat-Souissi

Comité scientifique:

- Professeur Ahmed HAJJAMI, faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat-Souissi.
- Professeur Mohamed NADIF, faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat-Souissi.
- Professeur Mohammed Rachid AASRI, faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat-Souissi.
- Professeur Abdellatif CHAKOR, faculté des Sciences juridiques , économiques et sociales Souissi.
- Professeur Mohammed AKAABOUNE faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat-Souissi.
- Professeur Omar EL ASRI, faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat-Souissi.
- Professeur Layla EL HATIMI, faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat-Souissi.
- Professeur Fadoua EL MESLOUHI, faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat-Souissi.
- Professeur Abdelfettah BELKHAL, faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat-Souissi.
- Professeur Hicham ATTOUCH, faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat-Souissi.
- Professeur Mohamed CHAMLAL, faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat-Souissi.
- Abdelmouman BERJAOUI, faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Ibnou Toufail KENITRA.
- Professeur Hamdi PACHA, faculté des sciences économiques DALI BRAHIM ALGER.
- Professeur Youssef SAIDI, BANK ALMAGHRIB.
- Professeur Ahmed BENALI, Banque Islamique pour le développement bureau du Maroc