jeudi 25 octobre 2012

Le contrat de moudaraba



 Définition


         « La modaraba ou kérad est un contrat entre deux parties ou l’une d’entre  elles avance à l’autre une somme d’argent à des fins commerciales afin de  partager les bénéfices que l’emprunteur aura réalisé »[1]. Elle correspond à la commandite simple du droit français[2].

     Trois termes arabes sont utilisées pour désigner ce contrat : moudaraba, moukarada et kirad [3]. La divergence de terminologie est due à des facteurs géographiques[4]; kérad et moukarada[5] ont pour origine la péninsule arabique et moudaraba, l’irak. Par la suite, cette différence se retrouve dans les diverses écoles juridiques, les malékites et les chafiites ayant adopté kérad et, dans une moindre mesure moukarada, et les hanafites, moudaraba [6].

     Dans la langue arabe, le terme moudaraba est un substantif dont le verbe est « daraba », tel qu’on dit « al darb » dans la terre, c’est -à-dire parcourir la terre pour voyager, comme l’entend le verset  101 de la sourate « Les Femmes »: (Quand vous parcourez la terre, on ne vous fera pas grief d’abréger la prière)[7]. Le verbe peut également signifier parcourir la terre pour y voyager en vue du commerce et la recherche des moyens de subsistance, comme dans le verset 20 de la sourate « L’enveloppé » : (que d’autres parcourent la terre à la recherche des bienfaits de Dieu)[8].

     Le terme kirad est dérivé de « al qard » c'est-à-dire le retrait, car la partie apportant le capital retire une partie de ses fonds pour la remettre à celui qui gère la moudaraba.  

    Les avis des fouqahas diffèrent quant à la nature du contrat moudaraba. Un premier avis et qui représente la majorité des fouqahas considère la moudaraba comme étant une forme d’ijara (location de services) mais où la rémunération de tout un chacun n’est pas connue à l’avance. L’autre opinion des fouqahas considère la moudaraba comme étant une forme de charika (société) où le capital avancé par le financier s’associe au capital humain.

Licéité de la moudaraba

     La licéité du contrat de moudaraba est fondée sur la pratique du prophète (sounna). En effet, le prophète l’a pratiqué avec les fonds de sa première épouse Khadija[9].

     Le contrat de moudaraba est également légitimé[10] par le consensus de la communauté (ijma’). Elle fut  pratiquée par les Compagnons du prophète, ainsi que par les deux fils du deuxième khalifa Omar Ibn Al Khattab. Personne n’a rapporté qu’ils ont été désapprouvés, ce qui est considéré comme un consensus.

Les différents types de la moudaraba

     Il y a deux types de moudaraba : la moudaraba restrictive ou limitée et la moudaraba absolue.

·   La moudaraba restrictive ou limitée :

     Selon ce type de contrat, le partenaire apportant le capital pose à celui qui le gère des restrictions. Ces restrictions peuvent porter sur le lieu[11] de la transaction en l’astreignant à exercer ses transactions dans un lieu déterminé. Elles peuvent porter sur une période déterminée en lui demandant de n’utiliser les fonds que durant l’été, l’hiver ou le printemps. Elles peuvent porter également sur le genre de commerce en lui imposant par exemple de n’utiliser les fonds que pour le commerce du bétail.

     Ce type de contrat est permis par les deux écoles hanafite et hanbalite, alors qu’elle est interdite par les écoles malikite et chafiite car elles considèrent que les conditions restrictives empêchent le moudarib d’agir[12].

·   La moudaraba absolue

     La moudaraba absolue est celle qui n’est point soumise à des restrictions de temps, de lieu ou de genre quelconque. Le moudarib est libre d’utiliser les fonds à sa disposition là ou il considère opportun d’investir.






[1] HEINRICH (Jacques B.) , « Les principaux contrats de financement utilisés par les banques islamiques », in La revue banque,  décembre 1987, N 478 , p1135.
[2] MACHICHI DRISSI ALAMI (Mohamed), « Contribution à la définition des sociétés en droit musulman malikite », in Revue des sociétés, n° 2,  avril- juin 1977, p 219.
[3] EL KHYARI El Hachmi (Allal), « Méthode d’investissement à la lumière du fiqh », Tome 2, Al Madariss,  Casablanca,  Maroc, 1992, p 231.
[4] DECROUX (Paul), « Les sociétés en droit marocain », Editions La Porte, Rabat, 1970, p 114.
[5] AL JOUMOUA (Ali  Ibn Mohamad), « Lexique des termes économiques et islamiques », Maktabat al obikan, Ryad, 2000, p 425.
[6] UPOVITCH(A.L.), « kirad », Encyclopédie de l’islam, TomeV,  2ème édition, Maisonneuve & Larose,Pays-Bas,1986,p 132
[7] GROSJEAN (Jean), « Le Coran », traduit de l’arabe, Editions Philippe Lebaud, Paris, 1979, p 72.
[8] GROSJEAN (Jean), « Le Coran », op.cit.,p 277.
[9] AL-AMIN (Hassan), « La moudharaba et ses applications contemporaines », BID, IIRF, Djeddah, Arabie saoudite, 1994, p 29.
[10] ASSOUBHANI (Jafar), « Le système de la moudaraba dans la chari’a islamique », Moassasat al imam assadiq, Iran, 1416 H, p 4.
[11]  EL KHYARI El Hachmi (Allal), op.cit., p 233.
[12] BENDJILALI (Boualem), « Les modes de financement : moudharaba, mouzaraa et mousakat », in                    « Les sciences de la chari’a pour les économistes », Actes de séminaire n°44, BID, IIRF, Djeddah, Arabie Saoudite, 1998, p 283.

N.B: Le présent article est un extrait de la thèse :"Les substituts du prêt à intérêt dans les banques islamiques".